Le Postillon de Longjumeau annonçait hier la fin déplorable des deux Fourmi. Cette feuille, recommandée à juste titre pour l'abondance et la qualité de ses informations, se perdait en conjectures sur les causes mystérieuses du désespoir qui vient de précipiter au suicide ces époux qu'on croyait heureux.
Mariés très jeunes et toujours au lendemain de leurs noces depuis vingt ans, ils n'avaient pas quitté la ville un seul jour.
Allégés par la prévoyance de leurs auteurs de tous les soucis d'argent qui peuvent empoisonner la vie conjugale, amplement pourvus, au contraire, de ce qui est nécessaire pour agrémenter un genre d'union légitime sans doute, mais si peu conforme à ce besoin de vicissitudes amoureuses qui travaille ordinairement les versatiles humains, ils réalisaient, aux yeux du monde, le miracle de la tendresse à perpétuité.
Un beau soir de mai, le lendemain de la chute de M. Thiers, le train de grande ceinture les avait amenés avec leurs parents venus pour les installer dans la délicieuse propriété qui devait abriter leur joie.
Les Longjumelliens au coeur pur avaient vu passer avec attendrissement ce joli couple que le vétérinaire compara sans hésiter à Paul et à Virginie.
Ils étaient, en effet, ce jour-là, véritablement très bien et ressemblaient à des enfants pâles de grand seigneur.
Maître Piécu, le notaire le plus important du canton, leur avait acquis, à l'entrée de la ville, un nid de verdure que leur eussent envié les morts. Car il faut en convenir, le jardin faisait penser à un cimetière abandonné. Cet aspect ne leur déplut pas, sans doute, puisqu'ils ne firent, par la suite, aucun changement et laissèrent croître les végétaux en liberté.
Read more »
0 comments:
Post a Comment